© photo : Pixabay, Moritz320
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IDEA a le plaisir de vous informer de la publication du recueil « Est-il venu le moment de fiscalement rompre ? ». Réunissant des experts de divers horizons, cet ouvrage contient des réflexions approfondies sur l’imposition collective ainsi qu’un éclairage inédit sur les disparités de revenus au sein des couples.
« Le Gouvernement entamera les travaux en vue de la mise en place d’une classe d’impôt unique avec l’engagement de présenter un projet de réforme pour l’année 2026 ». Cette phrase, contenue dans l’accord de coalition 2023-2028 Lëtzebuerg fir d’Zukunft stäerken, est généralement comprise comme la promesse de neutraliser le statut marital devant le fisc en instaurant l’imposition individuelle pour tous les contribuables.
Soutenue par une majorité des partis représentés à la Chambre des députés, cette réforme, promise de longue date, marquerait une rupture importante avec un principe fondamental – depuis 1842 – du droit fiscal luxembourgeois : l’imposition collective des époux.
Face à l’ampleur de ce changement annoncé, cette publication – qui réunit des experts (fiscalistes, juristes, économistes, statisticien-démographe) de divers horizons – interroge la portée historique, les implications sociales, les effets économiques, les enjeux juridiques et les conséquences budgétaires de la révolution que serait un tel basculement.
Parmi les constats mis en lumière :
- Loin d’être une question purement technique, l’individualisation de l’impôt constitue une réforme structurelle dont les implications dépassent largement le seul cadre de l’administration fiscale ;
- L’enracinement du principe de l’imposition collective, aussi profond que sa genèse est lointaine, promet de longues heures d’un travail pénible et harassant au législateur qui s’attèlera à la tâche d’y mettre fin ;
- L’imposition individuelle est déjà possible, sur option, pour les contribuables mariés qui le souhaitent ;
- Alors que depuis 2018 les contribuables imposés collectivement peuvent choisir d’être imposés individuellement, seulement 439 demandes d’individualisation ont été traitées en 2022 sur 187.000 dossiers de contribuables mariés, soit un peu plus de 0,2 % ;
- Une individualisation de l’impôt sur le revenu risque d’être inflationniste en matière de dépenses sociales – sauf à justifier de collectiviser les revenus pour les besoins de la sécurité sociale et de les individualiser pour le calcul de l’impôt ;
- Le coup de canif, aussi léger puisse-t-il paraître a priori, que serait l’individualisation de la fiscalité n’est pas souhaitable, d’autant plus qu’il s’appuie sur des bases juridiques et économiques très discutables ;
- En dépit de l’imposition collective, le taux d’emploi des femmes mariées (âgées entre 25 et 54 ans) est passé au Luxembourg de 42% en 1991 à 75% en 2021 ;
- Aux âges actifs, les épouses contribuent en moyenne à près de 40% du revenu dans les couples mariés ;
- La maternité (présence – ou non – d’enfant(s)) influencerait davantage la participation des femmes au marché du travail que le statut légal (mariage ou union consensuelle) de leur couple ;
- L’introduction de l’individualisation mettrait le système fiscal en contradiction avec d’autres domaines du droit et risque de se heurter à de possibles barrières constitutionnelles ;
- La catégorisation des contribuables en classes d’impôt distinctes selon leur situation personnelle et familiale relève d’un principe à valeur constitutionnelle : le principe dit de faculté/capacité contributive ;
- L’imposition collective (par opposition à une imposition individualisée) est le moyen permettant d’apprécier le plus finement possible, d’un point de vue économique, la capacité contributive de chaque foyer ;
- Dans la majorité des pays européens, le fait d’être marié (ou pacsé) reste reconnu par l’administration fiscale via des mécanismes variés : transfert d’abattement entre conjoints, déductions pour charges familiales liées au mariage/partenariat, déduction pour double revenu des conjoints, correctifs pour les couples à revenu unique, splitting, etc.
- A l’heure où le droit civil propose aux personnes physiques différents outils juridiques pour répondre à leur besoin ancestral de s’associer, et où le droit fiscal a atteint un niveau de souplesse maximal pour n’imposer aucun modèle d’imposition qui ne serait pas souhaité par le contribuable, il est permis de s’interroger sur l’existence de motivations – politique[1] et budgétaire[2] – qui sous-tendent la volonté gouvernementale d’imposer l’individualisation ;
- Si le statut marital était neutralisé en matière d’impôt sur le revenu, pourra-t-on seulement en rester là ? Ne faudra-t-il pas également mettre fin à la « faveur » qui existe en termes de taxation des successions entre époux ? En finir avec les pensions de réversion ? Individualiser les droits sociaux ? Mettre fin aux obligations de solidarité ménagère qui découlent du mariage, voire aux pensions alimentaires en cas de divorce ?
[1] e.g. tenir une promesse longtemps reportée.
[2] L’abrogation de la classe d’impôt 2 et du système du splitting engendrerait une hausse d’impôt dans le chef des couples mariés et une augmentation dans les mêmes proportions des recettes budgétaires.