Moussa Seck est le coordinateur de l’ASBL Cohabit’AGE qui promeut l’habitat intergénérationnel au Luxembourg.

L’intergénérationnel au cœur du Vivre Ensemble !

Nous vivons et vivrons désormais plus longtemps et, globalement, en meilleure santé que nos aînés. Tel est le sens de l’histoire démographique de nos sociétés. Cette situation nous invite à faire évoluer notre vision de la société du futur. Ainsi, l’évolution des modes de vie conduit chacun à rechercher de nouveaux moyens d’améliorer sa qualité de vie. Ces nouvelles aspirations ouvrent de nouveaux besoins, un nouveau marché, nécessitant une réponse adaptée.

Ainsi, il s’agit de redonner au lien intergénérationnel une valeur centrale, un vecteur de solidarité et de compréhension mutuelle, dans nos sociétés caractérisées par le repli sur soi et la peur de l’autre.

La solidarité intergénérationnelle dans l’habitat vectrice d’inclusion sociale

Le Luxembourg ne sera pas épargné, au cours des décennies à venir, par le phénomène du vieillissement à l’œuvre dans toute l’Union Européenne. Cette situation fait naitre des besoins grandissants en solutions d’hébergements et de logements adaptés à des situations variées, par exemple la perte d’autonomie, le désir de rompre l’isolement, la solitude, le souhait de maintenir un vieillissement actif repoussant les incapacités inhérentes à l’âge.

Souvent des personnes âgées sont admises en maisons de retraite alors qu’elles pourraient jouir de leur autonomie et apporter leur connaissance aux jeunes générations tant en termes de savoir faire et que de savoir être. Dans l’étude Sofres de 2014, on note que 79% des enfants qui y placent leurs parents le font à contrecœur.

Tandis que les jeunes sont particulièrement touchés par la crise du logement, en raison d’une offre de logement insuffisante, des prix du loyer trop élevés, des logements sous-occupés ou non-occupés. Il faut ajouter à cela, l’exigence des propriétaires bailleurs en matière de solvabilité et de caution.

Confrontés à une précarité financière, l’accès au logement est encore plus compromis pour les bénéficiaires du revenu minimum garanti (RMG). Pour cette tranche de la population, toute origine confondue, la colocation chez l’habitant pourrait être une solution alternative et temporaire. Sauf que les dispositions relatives à la loi applicable aux bénéficiaires du RMG rendent difficile, voire impossible, leur hébergement contre une participation financière.

Pour rappel, la loi sur le RMG définit dans son article 4 comme personnes faisant partie de la composition domestique, toutes celles qui vivent dans le cadre d’un foyer commun, dont il faut admettre qu’elles disposent d’un budget commun et qui ne peuvent fournir les preuves matérielles qu’elles résident ailleurs. Même si des assouplissements ont été apportés visant à permettre à cette population de pouvoir être hébergée chez l’habitant, il faut tout même noter les conditions de sa mise en application à savoir la gratuité de l’hébergement et la durée qui ne peut être supérieur à 12 mois.

L’habitat et les échanges intergénérationnels comme vecteurs d’intégration sociale

En 2015, le Grand duché a enregistré une forte demande de refugiés fuyant la guerre dans leurs pays.

Fin 2015, début 2016, l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte a lancé dans le contexte de la crise migratoire et en réponse au remarquable élan de solidarité de la société civile, un appel à projets unique en Europe, dénommé « mateneen », doté d’une enveloppe de 12 millions d’euros. L’objectif est de réunir les conditions qui permettront à différents acteurs de mettre en place des initiatives qui visent à agir notamment sur l’accompagnement des demandeurs de protection internationale (DPI) et l’intégration des bénéficiaires de protection internationale (BPI), ainsi qu’à leur fournir des hébergements et leur offrir l’apprentissage des langues parlées au Luxembourg.

Ce faisant, nous avons proposé un projet innovant de maison intergénérationnelle agrémentée de mentor à l’intégration.

En effet, l’hébergement chez les particuliers est une opportunité pour les réfugiés qui ne peuvent pas tout de suite avoir accès à un logement pérenne. Il peut permettre de prendre le temps d’élaborer un parcours de vie au Luxembourg. Cette expérience favorise une meilleure connaissance de l’autre, un échange de savoir-faire et de services tout en permettant de lutter contre les stéréotypes et représentations confrontant les populations autochtones et allochtones.

A partir du constat partagé que l’accès au logement à un prix abordable est un souci majeur au Grand-Duché de Luxembourg, que le vieillissement de la population est une réalité et que la crise des réfugiés fait appel à la création de nouvelles formes de solidarités, l’asbl Cohabit’AGE a voulu proposer un projet de développement de nouvelles formes d’habitat partagé qui répondent à la fois aux besoins de logement à coût modéré et aux enjeux d’intégration et d’inclusion sociale des nouveaux arrivants.

Programme « Habitsol » un exemple de solution novatrice de logement intergénérationnel

Le projet « Habitsol » est soutenu par l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte dans le cadre de l’appel à projet « mateneen ».

Il s’agit de l’acquisition et la réhabilitation de maisons bifamiliales en plusieurs unités de vie à loyer modéré.

Les biens immobiliers comprendront au moins 4 à 6 studios d’environ 18 m² destinés aux plus jeunes et 2 voire 3 petits appartements d’environ 45 m² pour les plus âgés ou les familles monoparentales.

Les logements proposés seront totalement autonomes et indépendants. Ceci pour permettre à chaque logement d’être considéré comme une communauté domestique distincte répondant ainsi au problème lié au RMG. L’indépendance de chaque habitation n’est pas synonyme d’isolement puisque ces maisons intergénérationnelles disposeront d’une salle polyvalente, d’une salle de sport et d’une buanderie incitant ainsi les rencontres entre les résidents.

La finalité du projet est de rendre le logement accessible à tous en encourageant la création de lien social et de solidarités entre les jeunes et les seniors, d’une part, et entre les autochtones et les bénéficiaires de protection internationale, d’autre part.

La première maison intergénérationnelle ouvrira ses portes au premier trimestre 2017 dans le Nord du Luxembourg. Pour les trois prochaines années, Cohabit’AGE envisage d’acquérir six maisons intergénérationnelles, 2 en 2017, 2 en 2018 et 2 en 2019 pour loger plus de 40 personnes

« Habitsol » une solution de financement win/win

Pour ce projet, Cohabit’AGE mobilise différentes solutions de financement. L’aide étatique bien entendu dans le cadre des aides à la pierre pour le logement social, mais aussi et surtout l’investissement privé en tentant de nouer des relations partenariales avec des entreprises qui s’engagent dans une politique « d’impact investing » à travers leur démarche d’entreprise socialement responsable.

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises cherchent à valoriser leur responsabilité sociétale en tentant de générer des synergies entre impact social, environnemental et sociétal d’une part, et retour financier neutre ou positif d’autre part.

A ce titre la promesse sociale faite aux entreprises repose sur un modèle de partenariat gagnant/gagnant. En contrepartie d’un investissement dans le projet « Habitsol », Cohabit’AGE s’engage à loger les stagiaires et jeunes travailleurs qui viennent d’intégrer le groupe. Ici, l’impact social est totalement mesurable pour l’entreprise.

Promouvoir le patrimoine socialement responsable

Le concept avancé ici est celui du démembrement temporaire de propriété. En effet, la pleine propriété d’un bien immobilier se compose de la nue-propriété, d’une part, et de l’usufruit, d’autre part. Notre proposition de valeur est de développer l’achat temporaire d’usufruit en payant un montant déterminé à l’avance. A la fin du contrat, le propriétaire peut reprendre la pleine propriété de son bien en sus des travaux de réhabilitation. Dans ce cas, le propriétaire donne à l’association le droit d’utiliser le bien à réhabiliter sur une durée limitée pour y organiser une forme d’habitat intergénérationnel.

Ce dispositif est proposé aux personnes ayant une fibre philanthropique.

Afin de développer au mieux ce projet, Cohabit’AGE a mis en place un comité ad-hoc composé d’un avocat spécialisé en droit immobilier, d’un fiscaliste, d’un architecte et d’un notaire.

Notre ambition à travers tous ces projets est de mobiliser les élans de générosité qui sont en chacun de nous pour construire ensemble une société plus humaine et solidaire.

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