La Fondation IDEA asbl a récemment publié une Idée du mois, qui enfonce quelques tabous en matière de financement de l’assurance maladie-maternité. Le budget de la santé était en 2015 excédentaire à raison de 105 millions d’euros selon les données officielles. Il ne s’agirait pas là d’un simple accident : les perspectives budgétaires de la Caisse nationale de santé (CNS) demeureraient favorables dans les années qui viennent. A tel point que d’aucuns se posent (déjà…) la question de l’utilisation de ces mirifiques excédents.

Le papier d’IDEA corrobore ce constat de perspectives budgétaires assez favorables au cours de la décennie à venir – sauf accident économique et pourvu que l’immigration nette demeure (fort) soutenue. On peut parler, dans une certaine mesure, d’une « période de grâce ». Pourquoi ne pas fêter cette dernière avec des dépenses nouvelles, puisque tout va pour le mieux?

Pas si vite… La « période de grâce » reflète une évolution démographique demeurant relativement favorable sur une dizaine d’années, la population du Luxembourg étant relativement jeune grâce, notamment, à l’immigration soutenue. D’allié des caisses de santé, le facteur démographique se muerait cependant à terme en véritable défi au-delà de la période de grâce. Le Luxembourg serait alors, à son tour, rattrapé par le phénomène du vieillissement. Or les dépenses de santé tendent à augmenter de manière exponentielle à partir de l’âge de 50 ans.

Ce vieillissement serait réel, mais globalement assez mesuré sous le scénario « officiel » d’un Luxembourg à 1 million d’habitants d’ici 2050. Le coût des soins de santé serait par conséquent maîtrisable : il n’augmenterait qu’à raison de 0,5% du PIB d’ici 2060. Une facture non négligeable, mais nous serions loin de l’apocalypse budgétaire.

L’Idée du mois de la Fondation IDEA va cependant plus loin : elle examine divers scénarios alternatifs, qui reposent sur un scénario démographique moins « exaltant » tablant sur 700 000 résidents « seulement » d’ici 2060. Elle considère par ailleurs une évolution future des dépenses individuelles de santé qui soit plus en phase avec l’évolution passée, caractérisée par un dynamisme certain des dépenses. IDEA tient enfin compte de la nature de « bien supérieur » de la santé. C’est-à-dire un bien dont la consommation tend à augmenter systématiquement plus rapidement que le revenu.

Dans un scénario « Worst case » intégrant ces éléments (et divers aspects plus techniques), IDEA montre que les finances de l’assurance maladie-maternité pourraient – certes dans un cas un peu extrême – connaître un franc dérapage d’ici 2060, non pas de 0,5% du PIB mais de … 4% du PIB. Ce sont certes des conjectures se déployant sur une longue période. Un fait est indiscutable cependant : l’équilibre budgétaire des soins de santé est un monument en péril à moyen terme, même si on peut raisonnablement espérer une « période de grâce » d’une dizaine d’années. De considérables risques potentiels peuvent toujours se manifester. Attendre 10 ans ne constitue donc guère une option raisonnable, car il deviendrait alors fort difficile, sinon impossible, d’endiguer la dégradation en cas de matérialisation des risques. IDEA établit d’ailleurs clairement ce fait, à travers une simulation effectuée sur la base des règles budgétaires actuelles de la CNS. Des règles trop ancrées dans le court terme, à rebours d’une identification précoce des risques potentiels.

La conclusion ? Nous devrions profiter de la période de grâce non pas pour multiplier les dépenses nouvelles, mais pour mettre en place un système de surveillance proactive des dépenses de santé, sur un horizon d’au moins 15 ans – soit une période excédant la période de grâce. Cette dernière est un véritable don du ciel, dont rêveraient de nombreux pays. Ne la galvaudons pas…

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