L’inconcevable est arrivé : nos amis Britanniques se sont majoritairement prononcés en faveur du Brexit, alors que les analystes évoquaient pour la plupart un véritable Armageddon en cas de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Se posent dès lors les questions suivantes :

  • Que s’est-il passé au juste ?
  • Quelles seront les conséquences économiques ?
  • Que convient-il de faire au niveau national, au niveau européen ?

Commençons par les conséquences économiques. Nous devrions a priori, en tant qu’économistes, être en mesure de répondre précisément à cette question. Mais autant le déclarer sans ambages : c’est pour le moment rigoureusement impossible. Nous pourrions, dans le meilleur des cas, présenter de multiples scénarios, qui ne feraient qu’épaissir le « fog » ambiant. Nous ne connaissons ni la date de sortie effective du Royaume-Uni, ni les futures relations commerciales entre ce pays et l’« UE résiduelle ». Impossible dès lors de cerner les futurs obstacles au commerce et les « pertes sèches » associées.

Par ailleurs, il est impossible de savoir si l’actuel décrochage des marchés financiers va revêtir un caractère permanent ou ne sera, au contraire, qu’un « feu de paille ». Une seule certitude : le Brexit alimente l’incertitude, qui fait mauvais ménage avec toute décision d’investissement. Or le propre de l’incertitude est de n’être pas mesurable. Il est tout aussi difficile de cerner le rôle futur de la place financière luxembourgeoise dans ce véritable écheveau et d’appréhender les décisions de localisation associées.

La première question (« Que s’est-il passé au juste ») est essentielle, mais avant tout pour mieux éclairer nos réponses à la troisième, qui doit véritablement nous obnubiler : que faire, dans quel délai (au-delà bien entendu de la « gestion » du Brexit et de la définition des relations UE-R.-U. post Brexit) ?

Pour redonner de l’allant à la construction européenne (« choc de confiance »), au moins les éléments suivants – chacun pourrait faire l’objet d’un blog à part entière :

  • Des budgets européens nettement plus importants qu’actuellement, passant par exemple de 1% (!) à 10% du PIB, soit environ la moitié de l’Etat fédéral américain, avec des stabilisateurs automatiques européens – une allocation de chômage européenne par exemple. Le tout via le transfert de compétences nationales existantes.
  • Une coordination budgétaire plus souple, basée sur un prélèvement européen sur les déficits budgétaires (lutte contre le « hasard moral », c.-à-d. contre une certaine inclination aux déficits) et non plus sur un corset budgétaire étriqué en période de basse conjoncture et reposant de surcroît sur des indicateurs non observables (les soldes dits structurels). Ce prélèvement serait rapidement canalisé vers des investissements transeuropéens, afin d’éviter tout biais pro-cyclique.
  • Plus généralement, une relance coordonnée des investissements publics allant bien au-delà du Plan Juncker. Le présent contexte est idéal (taux d’intérêt historiquement bas, besoins criants en infrastructures, croissance toujours modérée et sous la menace du Brexit, inflation faible, etc.).
  • Une surveillance macroéconomique moins asymétrique et déflationniste, passant au crible tous les déséquilibres de balances des paiements – y compris donc les surplus.
  • Une Europe se préoccupant de tous les Européens. Encourager les échanges (notamment Erasmus en faveur des apprentis et ouvriers), supprimer les entraves à la mobilité (immobilier, sécurité sociale), etc. L’Europe ne peut être une construction « désincarnée», purement économique à l’instar de la campagne fort « matérialiste » du « maintain ».
  • De véritables institutions de la zone euro et de l’UE: un Ministre des Finances, un gouvernement économique… et social, une trésorerie, un Parlement de la zone euro, la participation citoyenne à tous les niveaux, la sécurité, le renseignement, la défense (liste exemplative et non limitative…). Ces aspects constituent la clef de voûte de l’édifice…

Dans quel délai ? La mise en œuvre de telles réformes n’est pas aisée. Raison de plus pour s’y mettre sans tarder… On ne peut indéfiniment retarder les décisions en fonction du calendrier électoral dans près de trente nations (sans compter les municipalités et régions). La « politique des petits pas » a vécu, comme l’avaient compris dès 1953 P.-H. Spaak et Heinrich von Brentano avec un projet de (vraie) constitution européenne… qui avait alors pratiquement abouti[1].


[1] Voir http://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/6550430e-98c0-4441-8a60-ec7c001c357b

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