L’un des arguments massue des pro-Brexit était la possibilité de redistribuer la contribution britannique au budget commun en cas de sortie. Mais ce serait occulter les avantages financiers dont ont tiré parti des régions populaires et rurales suite à l’intégration européenne leur permettant d’opérer un rattrapage [1]. Pour éviter le marasme, des crédits nationaux devront impérativement se substituer à ces fonds européens. Mais nul doute que les Brexiteers avaient déjà saisi leur calculatrice. Ils l’ont sans doute fait aussi pour prendre en compte le potentiel relèvement du coût de la dette suites à des « downgrades » de la notation souveraine, pour nous limiter à ces deux points précis.

En outre, si le taux de participation la rend, certes, incontestable (72,2%), ne convient-il pas tout de même de relativiser le « poids » de cette victoire (52%), dans le cadre de l’actuel scénario de flux migratoires et dans un pays de « tradition » eurosceptique, dont le discours politique était souvent critique vis-à-vis de Bruxelles et dont la relation avec « la chose européenne » (l’UE, ses émanations, ses prédécesseurs) a été quelque peu ambigüe ? On peut ainsi la mettre en perspective avec le rejet du Traité établissant une constitution pour l’Europe par les Néerlandais en 2005 – le « nee » ayant remporté 61,5% – ou avec le récent référendum consultatif par lequel la population (enfin, 32%) s’est opposée à plus de 60% à l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine (la lecture qui en a été faite est celle d’un signal négatif adressé aux dirigeants européens). De même, « l’adhésion pour l’UE » au Luxembourg, « eurolover » par excellence n’a pas été criante lors du référendum de 2005 avec 56,52% des suffrages en faveur du Traité établissant une constitution pour l’Europe. Enfin, mentionnons le « non » français à ce même référendum (à 54,7%) ou encore le rejet irlandais du Traité de Lisbonne en 2008 (53,4%). Les Britanniques n’ont pas le monopole de l’euroscepticisme, loin s’en faut.

Une lecture plus positive voudrait donc que 48% du corps électoral, soit 16 millions de forces vives dans ce pays que l’on dit si eurosceptique, s’est exprimé en faveur de l’appartenance à l’Union, conscient de ses travers probablement ; de ses bénéfices sûrement et des pertes potentielles certainement. Ils sont la preuve que « le doute est permis » et l’adhésion possible bien que l’isolement insulaire réduise les échanges « transfrontaliers » terrestres (au-delà du cas irlandais) et l’adhésion de fait. Une solution acceptable par/pour tous s’impose donc.

Pour certains, il faudrait que le Royaume-Uni intègre l’Espace Economique Européen ce qui impliquerait : 1) une application continue de toutes ces directives, si « malaimées » (that’s what they say), relatives au marché unique… Mais sans avoir son mot à dire sur leur conception ; 2) comble de l’ironie, une contribution au budget (quid du rabais « âprement négocié » en tant que membre ? ) et 3) a priori une entrée dans Schengen ; soit une adoption pleine et entière des libertés fondamentales. Accepter ces conditions serait un camouflet pour l’opinion britannique. Ainsi, la solution la plus vraisemblable serait celle d’un deal bilatéral. Or la Suisse a négocié le sien 10 ans durant. Et la sortie ? Car c’est bien sur cela que se sont exprimés les Britanniques : plusieurs années ont été nécessaires pour assurer celle du Groenland, territoire de 50.000 habitants!  Aussi après la « perte » de la deuxième économie de l’Union et, par là même, d’une voix favorable au marché et au commerce, un nouveau renforcement des forces centrifuges serait dramatique et rendrait l’Europe (encore) plus illisible, plus fragmentée aussi. Pour éviter le pire et garantir notre futur salut économique, politique et citoyen/sociétal, il faudrait un deal sans amertume, réfléchi, dans l’intérêt de tous.

Enfin, citons les résultats d’un récent Eurobaromètre: ils font état d’un accroissement de l’intérêt général pour les politiques de l’UE (54%, +11 points depuis 2013) mais aussi du sentiment des Européens que leur pays a bénéficié de l’adhésion à l’UE (60%, +6% par rapport à juin 2013). Il y a encore de l’espoir (si, si) alors profitons-en pour recadrer l’Europe et en expliquer sans jargon les avantages.


[1] Des subventions agricoles au Pays de Galles, aux fonds de convergence à la Cornouaille (dont le PIB est inférieur à 75% de la moyenne de l’UE et qui devait bénéficier de plus de 600 millions d’euros d’aides européennes sur la période 2014-2020 et en a perçu 1,17 milliards depuis 2000), l’intégration a grandement bénéficié à ces régions. De même, l’Irlande du Nord aurait dû percevoir près de 2,5 milliards d’euros d’ici à 2020 et aurait bénéficié, entre 1995 et 2016, outre des fonds agricoles, de 1,3 milliard d’euros dans le cadre du programme PEACE de soutien à la paix.

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