L’étude publiée récemment par Lux Airport sur l’impact économique[1] « du Findel » a mis sur le devant de la scène des chiffres impressionnants nous rappelant à quel point l’aéroport est une infrastructure  hautement stratégique pour l’économie du pays et ce, bien au-delà du secteur des transports. Petit tour des résultats de l’étude et des défis qui se posent en filigrane dans le domaine pour le Luxembourg… et ses voisins.

Une croissance soutenue et profitable à tout un écosystème

En 2015, 2,7 millions de passagers ont transité par l’aéroport qui affiche une croissance annuelle moyenne de 11% par an depuis 2010. A ce rythme, il devrait rapidement atteindre sa capacité maximale (ce qui a poussé à l’avancement de l’ouverture du terminal B à la mi-2017).

Tout ce mouvement fait vivre une « grappe » économique qui crée de la richesse et de l’emploi. En prenant en compte les impacts économiques directs (les services présents sur l’aéroport), indirects (les sous-traitants) et induits (la réinjection des revenus distribués par l’activité directe et indirecte), on estime que l’aéroport génère près de 15 000 emplois, correspondant à 790 millions d’euros de masse salariale, et 1,3 milliards d’euros de PIB (soit 2,5% du total pour 2015).

Le secteur du fret a quant à lui cru de 1% par an depuis 2010 (mesuré en tonnage et non en valeur) et représente le premier employeur direct du Findel (2 910 emplois). Il affiche des volumes considérables pour la taille du pays, faisant du Luxembourg un « hub » et -de loin- le pays européen dans lequel ce secteur pèse le plus fort (14.000 tonnes de fret par milliard d’euro de PIB, contre 1.000t pour la moyenne européenne[2]).

L’impact catalytique : le rôle crucial des échanges dans le développement économique

Au-delà de l’impact économique généré par les acteurs travaillant pour et à l’aéroport, les études comme celle réalisée par Lux Airport, nous rappellent que la connectivité au reste du monde procure en soi de puissants leviers de croissance. Cette connectivité facilite l’essor du tourisme (récréatif et d’affaires), du commerce, c’est un facteur déterminant pour les décisions d’investissement et elle favorise les gains de productivité (agrandissement de la taille des marchés atteignables, attractivité pour les actifs hautement qualifiés, développement des niches de compétences et du secteur financier). Ces quatre facteurs permettent selon l’étude qui se base sur divers travaux de recherche dans le domaine de générer 9 300 emplois (580 millions d’euros de salaires) et 1,26 milliards d’euros de PIB (2,5%) supplémentaires. Au total, entre les impacts direct, indirect, induit et catalytique, l’aéroport pourrait donc peser pour 5% du PIB national (2,58 milliards) et 24 170 emplois (1,37 milliards de salaires). Des évaluations à prendre néanmoins avec un peu de recul dans la mesure où il ne sera jamais possible d’affirmer avec certitude quelles activités économiques ne se seraient pas développées sans aéroport.

Nation branding et laboratoire d’innovations

Dans la boite à outils de la stratégie de nation branding gravitant autour des valeurs de l’ouverture, du dynamisme et de la fiabilité, l’aéroport devra rapidement occuper une place de choix. La qualité de l’accueil, la fiabilité des compagnies nationales, l’ouverture à des destinations toujours plus nombreuses sont des vecteurs d’image significatifs. C’est un lieu de promotion des atouts du pays, de son patrimoine touristique, culturel et gastronomique, de son dynamisme économique, mais c’est aussi un excellent laboratoire d’innovations dont peuvent profiter directement les passagers : un lieu où savoir-faire et faire savoir sont intimement liés. La nature même des activités d’un aéroport (gestion de flux multiples) le place au cœur des évolutions technologiques actuelles et à venir, et en fait une véritable « smart factory ». L’équipement qui se trouve en pleine phase de développement gagnerait à s’engager vers des innovations valorisant les compétences nationales (applications usagers, gestion de l’énergie, des déchets, des données et de leur sécurité, etc.).

Lux ou Greater Region Airport ?

La Grande Région est un espace démographiquement dense et concurrentiel dans le domaine des transports aériens. En nombre de passagers, ses trois principaux aéroports sont Charleroi (6,96 millions de passagers en 2015), Luxembourg (2,69 millions) et Frankfurt-Hahn (2,67 millions).

graphe_aéroportSources : offices statistiques de la Grande Région et aéroports concernés

Avec le recul de l’activité de Frankfurt-Hahn (qui vient d’être vendu par le Land de Rhénanie-Palatinat à un repreneur chinois), le Findel talonne désormais son voisin allemand en termes de trafic de passagers dans le classement de la Grande Région. La baisse de la fréquentation à Frankfurt-Hahn est liée à des fermetures successives de lignes Ryanair, qui souhaite se rapprocher progressivement des grandes villes, en Allemagne comme dans le reste de l’Europe. L’explosion de la fréquentation de l’aéroport de Charleroi sur la dernière décennie est, elle aussi, très liée à la présence du géant irlandais. Mais elle pourrait être remise en cause si la compagnie décidait de transférer progressivement des lignes vers Bruxelles-Zaventem[3]. Dans ce contexte, Luxembourg avec son statut de capitale européenne et son positionnement géographique au cœur de la Grande Région pourrait bénéficier de ce changement de stratégie. C’est un scénario possible à prendre en compte.

L’arrivée des compagnies low cost fait débat car derrière les opportunités de développement, elle représente des risques réels ou invoqués (politique sociale des compagnies, subventions publiques parfois onéreuses, concurrence frontale vis-à-vis des opérateurs « historiques », dépendance de certains aéroports à une seule compagnie, etc.). Le positionnement du Findel semble néanmoins équilibré dans la mesure où il offre une gamme de services assez large (jets, compagnies nationales et internationales, low cost, ultra low cost, bientôt un second « handling agent », etc.), qui correspond à une demande tout aussi diversifiée.

Un fort potentiel économique lié à la modernisation du ciel européen

Le projet de ciel unique européen, qui date de 1999 et rencontre des difficultés dans sa mise en place, concerne indirectement le développement du Findel. Il a pour objectif de réduire la fragmentation de l’espace aérien (à ce jour : 28 systèmes nationaux de contrôle contre un seul aux États-Unis). Cette fragmentation peut être responsable d’une augmentation des distances de trajets et génère par conséquent une hausse des coûts de transport, des coûts d’opportunité et de l’impact environnemental du secteur.

Dans ce cadre, une restructuration des outils de surveillance du ciel est défendue par la Commission Européenne et pourrait avoir un impact sur l’emploi du secteur, y compris au Luxembourg (externalisations, transferts[4]) dans la mesure où le pays fait partie d’un projet de bloc d’espace aérien fonctionnel partagé avec la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. Les avantages à l’échelle européenne pourraient néanmoins être significatifs. Une étude diligentée pour le compte de l’association internationale du transport aérien IATA[5] valorise en effet la  modernisation du ciel européen et l’amélioration de la capacité d’accueil des aéroports à 301 milliards d’euros cumulés de PIB supplémentaires[6] sur la période 2015-2035 (dont 245 milliards pour la seule modernisation de l’espace aérien), soit 1,5% du PIB en 20 ans. Les voyageurs pourraient voir directement les bénéfices de cette initiative avec une baisse possible du ticket moyen de 43€.

Entre l’augmentation de ses capacités, l’intégration de la nouvelle donne concurrentielle, la stratégie de positionnement au sein de la Grande Région, l’intégration au « ciel unique » européen, la conduite d’innovations, la participation active au marketing national, de nombreux défis – qui constituent autant d’opportunités stratégiques pour le développement économique du pays – attendent donc l’aéroport du Luxembourg. Embarquez !


[1] Pour télécharger l’étude : http://www.statistiques.public.lu/fr/actualites/entreprises/transports/2015/05/20150527/20150527.pdf

[2] Données eurostat, calculs IDEA

[3] L’annonce fin 2013 de l’ouverture de lignes Ryanair à l’aéroport de Bruxelles a fait débat sur la concurrence potentielle faite au site de Charleroi : http://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/brussels-airport-premier-surpris-par-l-annonce-de-ryanair-5294b1f03570b69ffde211cd

[4] Voir : http://paperjam.lu/news/vers-une-externalisation-de-lapproche-du-findel?utm_medium=email&utm_source=Email%20marketing%20software

[5] Voir : http://www.iata.org/policy/promoting-aviation/Documents/european-airspace-modernization.pdf

[6] L’étude inclut la Turquie, la Norvège et la Suisse en plus des 28 membres de l’UE

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