© photo : Julien Mpia Massa
La lecture de l’Avis Annuel publié par IDEA le 10 avril affaiblit le sentiment, souvent alimenté par des comparaisons très flatteuses avec ses voisins européens, que le Luxembourg « enjambe(rait) » sans difficulté ou presque toutes les crises. Il ressort en effet de cette édition 2025 que le pays a été plus fortement affecté par les tensions qui ont suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine que par celles liées à la pandémie de COVID-19.
Le solde des échanges de services, principal moteur de l’économie du pays, peine sérieusement à redécoller. Sans les Solidaritéitspack et autres puissants stabilisateurs publics, le recul de PIB sur les trois dernières années aurait été plus prononcé encore. Malgré un ralentissement historique de l’emploi, la valeur ajoutée créée par actif occupé continue de reculer tandis que la dépendance aux travailleurs frontaliers est toujours aussi forte. Dans cette conjoncture basse où l’État a tenu son rôle d’assureur en dernier ressort, les défis se sont accumulés et les potentiels freins structurels à la croissance future, au premier rang desquels la (quasi) mise à l’arrêt de la construction de logements, se sont matérialisés.
Mais il est encore trop tôt pour dire si l’économie luxembourgeoise a définitivement pris une nouvelle voie ou si elle traverse une mauvaise passe. Les marges de manœuvre financières ne vont probablement pas s’agrandir dans les années qui viennent, mais il sera pourtant nécessaire d’en dégager « pour investir ». Il n’est surtout pas trop tard pour mettre en place les grands projets nécessaires à la pérennité du développement du pays : adaptation de la protection sociale au vieillissement, politique budgétaire par objectifs, restauration de conditions de compétitivité, aménagement du territoire, investissements dans la transition énergétique, la transition digitale, essor des nouvelles niches de croissance…
La relance par la fiscalité ne parviendra en effet à restaurer une compétitivité de long terme que si elle est associée à des politiques ambitieuses de positionnement du pays dans les grandes mutations qui se profilent. A court et moyen terme, il s’agira de tirer le meilleur des nouvelles contraintes en matière de défense, de se positionner intelligemment dans les transformations technologiques au service d’une « multispécialisation » de l’économie à même de redresser la productivité (IA, blockchain, greentech, new space, cybersécurité, etc.), de proposer une vision pour un modèle social adapté aux contraintes financières, tout en évitant habilement les « coups » portés par un nouveau contexte géopolitique radicalement incertain…
L’Avis Annuel 2025 apporte également un éclairage sur la transition bas carbone avec une série de contributions thématiques mettant en lumière quelques (grands) défis qu’il sera nécessaire de garder sur le radar malgré le brouillard ambiant, afin que les baisses des émissions de gaz à effet de serre soient à l’avenir moins alimentées par le recul de l’activité et par les « fuites » de ventes de carburants, que par des transformations structurelles activement accompagnées.
Ces sujets, parmi d’autres, animeront les réflexions de notre think tank qui continuera à alimenter le débat public en analyses rigoureuses et ouvertes.