Avec la publication de son troisième Avis annuel sur la situation et les perspectives socio-économiques du Luxembourg, la Fondation IDEA a.s.b.l. continue de contribuer à la destruction créatrice d’idées reçues. Cette publication, placée sous le signe « des doutes », offre une analyse originale de la situation conjoncturelle nationale et internationale, et explore « le Club des 5 » risques qui menacent l’allant luxembourgeois. Cette année, actualité oblige, il est en plus proposé un éclairage thématique sur la réforme fiscale qui est même assorti d’un plan fiscal IDEA(le).

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Situation conjoncturelle : 2016, croître (un peu) sans y croire (beaucoup) (pages 10 à 35)

Selon les dernières prévisions économiques du FMI[1], la croissance mondiale devrait atteindre 3,2% en 2016 (après 3,1% en 2015). C’est légèrement mieux, mais moins qu’anticipé[2].

Dans les économies avancées, l’embellie est plus ou moins terne et durable. Si les Etats-Unis confirment leur robustesse, la prudence est de mise face aux défis et incertitudes internes comme au ralentissement des échanges mondiaux. Le Japon, lui, croît (très) modestement et rejoue des scènes devenues célèbres, confirmant une fragilité tenace.

Du côté des pays émergents, le tableau est plus contrasté avec des situations de renouveau ardent (Inde) comme de péril imminent (Brésil).

La zone euro a retrouvé un certain dynamisme en 2015 et devrait poursuivre sur cette lancée en 2016 – à la faveur, dans une large mesure, d’un alignement toujours favorable  des astres : l’euro est faible, la Banque centrale européenne affermit sa politique monétaire accommodante, les taux d’intérêt sont bas, la pression sur les finances publiques est relativement moindre, et le pétrole est bon marché. Pour autant, tous les pays membres n’ont, finalement, pas affiché une croissance positive, ce qui aurait été une première depuis 2008. Ainsi, après six années de profonde récession, en 2014, la Grèce avait laissé entrevoir une lueur d’espoir, qui s’est rapidement éteinte face à la perspective d’une sortie de la zone euro. L’économie héllène a donc replongé en 2015 et « quelques doutes subsistent » pour 2016… A l’opposé, l’Irlande, mais aussi l’Espagne, qui ont elles aussi vécu la débâcle, ont connu une solide expansion. Pour autant, tous les stigmates de l’austérité sont loin d’avoir été effacés. En outre, au-delà des succès individuels, l’année 2015 a porté un coup aux projets communs que 2016 ne semble, pour l’heure, pas en mesure de remettre d’aplomb. La pérennité de ce redressement n’est résolument pas assurée et le risque d’un retournement desASTREux plane indubitablement, alimenté par un trio infernal (menace déflationniste, fragilité de la reprise, marges de manœuvre réduites des politiques budgétaires et monétaires).

Et au Luxembourg ? (page 36 à 40)

La croissance économique – qui, si elle ne peut pas tout permet quand même beaucoup – devrait s’élever à 4,8% au Luxembourg en 2015, soit le deuxième taux le plus élevé observé dans le pays depuis la crise.

La conjoncture favorable a notamment profité au marché du travail et confirmé l’attractivité comme la compétitivité du pays. Le solde des Administrations publiques est resté positif en 2015 (pour la cinquième année consécutive), un nouveau surplus est prévu en 2016, le taux de chômage a diminué (6,5% en février 2016) et l’emploi total intérieur (salarié et non salarié) a progressé de plus 10.000 unités[3].

Mais cette situation encourageante ne doit nullement conduire à sous-estimer le risque de dérapage « imprévu » dans un petit pays ouvert, très sensible aux soubresauts conjoncturels et aux chocs « importés », difficilement prévisibles et absorbables. Il ne faut pas non plus négliger l’ampleur et le coût des défis économiques et sociétaux futurs du Grand-Duché (vieillissement, éducation, diversification économique, investissements publics et privés, logement, transports, intégration des travailleurs étrangers comme des migrants, etc.).

Aussi après avoir présenté l’année dernière « 7 distorsions à corriger », nous soumettons cette année le « Club des 5 » [4] risques qui pourraient stopper l’allant luxembourgeois (pages 41 à 49).

  1. Les risques géopolitiques

Dans quelle mesure le BREXIT, les sanctions européennes contre la Russie et la menace terroriste pourraient-ils affecter l’europhile Grand-Duché ?

  1. Les risques économiques

Quels impacts auraient sur l’économie luxembourgeoise un Grexit, un éventuel dérapage des finances publiques ou la perspective d’une nouvelle crise mondiale?

  1. Les risques technologiques

Le marché du travail sera-t-il uber-isé, les fintechs seront-elles plutôt concurrentes ou complémentaires de la place financière?

  1. Les risques réglementaires

Quel sera le coût d’adaptation aux nouvelles règles du jeu économique mondial pour le Luxembourg ?

  1. Les risques sociaux et sociétaux

Du système de protection sociale au fonctionnement du marché du travail, les perspectives de mutation sociale et sociétale sont multiples. Ne menacent-elles pas le(s) modèle(s) luxembourgeois ?

Quelques commentaires sur le projet de réforme fiscale présenté le 29 février 2016 (pages 52 à 61)

Le Gouvernement a présenté le 29 février 2016 « sa » réforme fiscale[5] qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017. « Equité, durabilité et compétitivité »  sont les maîtres mots et principaux objectifs de cette réforme qui entend renforcer le pouvoir d’achat des ménages, faciliter l’accès au logement, renforcer la compétitivité des entreprises et rendre plus « écologique » le parc automobile national. Les « changements » introduits permettent-ils d’atteindre les objectifs[6] communiqués ?

Le plan fiscal IDEA(L) (pages 62 à 71)

Ce plan n’est pas une alternative au projet de réforme envisagé par le Gouvernement et présenté le 29 février mais « pourrait » constituer son « complément avec valeur ajoutée ».

Les motifs principaux de ce plan, qui repose avant tout sur les forces de l’économie luxembourgeoise, sont d’atténuer les facteurs de complexité inutiles du système fiscal actuel, de le rendre plus équitable et (davantage encore) favorable à l’activité.


[1] Fonds monétaire international, Avril 2016, Perspectives de l’économie mondiale.

[2] Fonds monétaire international, Janvier 2016, Perspectives de l’économie mondiale. Le FMI projetait alors une croissance de 3,4% du PIB mondial pour 2016 (3,6% en octobre 2015).

[3] Entre décembre 2014 et 2015.

[4] La Fondation IDEA a.s.b.l. invite « tout le monde » à compléter cette liste de risques…

[5] Qui sera davantage détaillée lors du prochain discours sur l’état de la Nation.

[6] Sans nécessairement discuter de la question du « bien-fondé » des objectifs en question.

Vous pouvez également télécharger  le document de présentation utilisé lors de la conférence de presse en cliquant ici.

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One thought on “Avis annuel 2016: quelques doutes subsistent.

  1. Je vous félicite pour cette analyse critique et de haut niveau.

    Je partage vos points de vue, notamment dans les domaines qui m’intéressent cad l’interaction entre économie et politique sociétale.

    Dans ce cadre, je partage entièrement votre analyse des risques sur les pages 42-47 et je voudrais juste souligner qqc points.

    Le modèle luxembourgeois des dernières décennies, basé sur un salariat qui grandit sans cesse avec une multiplication des emplois, présente un risque en soi d’ implosion, voire d’ être battu par son propre succès. Donc, il est d’ une grande importance, d’ analyser les succès économiques du pays aussi sous l’angle d’une point de vue sociologique – comme par exemple Elinor Ostrom le faisait, avec des autres économistes de renom.

    Donc, on pourrait dire que le Luxembourg pratique un système PONZI de l’ emploi et humain, en accueillant chaque année environ 10.000 nouveaux citoyens et plusieurs milliers de travailleurs transfrontaliers – et en même temps en créant de l’emploi et en générant un retour fiscal par les salariés comme une participation à la caisse de maladie CNS et à la caisse de pension.
    Abstraction faite des autres considérations comme les difficultés de maintenir ce rythme de création de postes, de trouver des salariés hautement qualifiés, et de la superposition des problèmes politiques par la crise migratoire, je vois 3 risques majeurs pour la société:

    1. Le progrès technique et la robotisation risque de réduire voire détruire un grand nombre d’emplois et mettre un frein à cette évolution. Voir page 43 . Seulement dans mon secteur de la santé , ce sujet , pourtant d’ une actualité grandissante ailleurs, est un tabou dans un domaine protégé comme la santé. Avec le risque que le modèle luxembourgeois s’éloigne voire brise avec une réalité du monde autour.

    2. La fragmentation de la population est un risque réel, que vous avez évoqué sur la page 46, avec une tendance à s’aggraver avec la croissance de la population et de l’ emploi, tout en gardant un socle stable de “Luxembourgeois de souche” d’à peine 300.000 personnes qui ont la droit de vote et font partie des “protégés”. Le réferendum de 2015 n’ a rien arrangé dans cette question, et il est difficilement concevable, comment une société de 700.000 ou 1 Million d’habitants garde sa stabilité politique et sociale, sans organiser une participation politique et décisionnelle de ces deux tiers de citoyens qui participent financièrement et économiquement .

    3. Cette croissance démographique et sociétale dit être accompagnée pas seulement par une intégration politique, mais aussi une croissance et une adaptation des structures de l’état, notamment des structures “régaliennes” comme justice , police … et aussi éducation et santé. Les derniers se basent tous sur un ancien modèle luxembourgeois . Abstraction faite des difficultés pratiques de faire grandir ces structures et de recruter du personnel adéquate, il doivent se réformer et “refaire” pour rester à la hauteur pour une population de 700.000 habitants ou plus, donc deux tiers des non-luxembourgeois . Ses réformes se frottent déjà maintenant à un grand problème inhérent. Les institutions étatiques se basent principalement sur la classe des “protégés”, qui montrent une certaine inertie à des réformes et un changement de leurs statuts et de leur privilèges . Ceci est un risque réel d’ étouffer la croissance économique et de mettre la hâche à l’arbre qui porte les fruits, mais aussi de créer des tensions dans la société par des conflits d’intérêts.

    Veuillez agréer, chers amis, mes meillleures salutations.

    Dr.Bernhard STEIN, D.E.A.A.
    Centre Hospitalier Emile Mayrisch

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