Sur invitation du Ministère de la Culture, la Fondation IDEA asbl a participé le jeudi 4 mai, à Grevenmacher (centre Kulturhuef) à un atelier sur les statistiques dans le domaine culturel.

Présidé par Monsieur Jo Kox, l’atelier a permis de mettre successivement l’accent sur les cadres des statistiques culturelles et sur cet indispensable préalable que constitue la définition même de la culture, sur le financement de la culture et les dépenses culturelles, sur l’économie de la culture et enfin sur les pratiques culturelles au Luxembourg. Etaient conviés, dans une démarche pleinement participative, divers acteurs du domaine de la culture émanant du Ministère de la Culture, du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, du STATEC, du LISER, de la Chambre de Commerce, de la Kulturhuef, de TNS-ILRES, de l’ALAC et d’IDEA.

Dans une Idée du mois (IDM) n°5 publiée en novembre 2014 (« Résolutions culturelles » http://www.fondation-idea.lu/wp-content/uploads/sites/2/2016/10/IDEA_Idee-du-mois_5_resolutions-culturelles.pdf), la Fondation IDEA asbl avait déjà clairement insisté sur la nécessité d’une connaissance affinée de la culture à travers des statistiques culturelles plus étoffées. A la lumière des informations qu’elle a pu récolter depuis cette IDM, à la faveur notamment de l’atelier du 4 mai 2017, IDEA souhaite mettre en avant trois aspects qui lui semblent prioritaires.

En premier lieu, les statistiques et enquêtes portant sur les pratiques culturelles devraient être privilégiées. IDEA avait déjà pu constater dans son IDM, sur la base notamment de publications du LISER, que les pratiques culturelles au Luxembourg sont loin d’être homogènes. A titre d’exemple, près des trois-quarts des plus diplômés fréquentent les musées et spectacles, alors que cette proportion n’atteint que 20% parmi les personnes ayant une éducation primaire. Il est essentiel d’affiner ce diagnostic et de le renouveler régulièrement, à travers des enquêtes récurrentes et standardisées distinguant notamment les principales nationalités présentes au Luxembourg, les catégories socio-professionnelles, l’âge et les niveaux de revenus. Il importe également de distinguer les pratiques culturelles intra muros de celles qui ont lieu à l’étranger et en sens inverse les pratiques culturelles des frontaliers au Luxembourg – le tout de manière systématique et récurrente (optique « Grande région »).

Enfin, compte tenu des profondes mutations en cours, par exemple la « révolution numérique », les pratiques culturelles des publics les plus favorisés à cet égard devraient également être examinées de près, en ce qui concerne la lecture notamment (avec d’une part un effet d’éviction alimenté par la tentation numérique, mais d’autre part un accès à la culture en principe favorisé par ce dernier). Des actions concrètes doivent bien évidemment découler des résultats recueillis par voie d’enquêtes. Une politique active de promotion de la culture auprès des personnes qui en consomment le moins est indispensable, mais elle ne peut se concevoir sans une appréhension fine des disparités affectant les pratiques culturelles. Il s’agit simplement de contrer tout effet Mathieu (cet effet se réfère aux mécanismes qui permettent aux plus favorisés d’encore accentuer leurs avantages relatifs).

En deuxième lieu, même si la culture dépasse de loin la simple logique économique, l’un des aspects pouvant éclairer les décideurs politiques lors de la détermination des budgets culturels est la mise en évidence des effets d’entraînement économiques de la culture (sur le tourisme, en rapport avec le tourisme d’affaires, effets indirects des dépenses culturelles sur la consommation ou les investissements, etc.). Cet aspect nécessite le développement de comptes satellites ad hoc des comptes nationaux, qui identifieraient notamment les effets multiplicateurs des dépenses culturelles sur l’emploi et l’activité économique et le poids direct et indirect de la culture dans l’économie. Un travail exploratoire devrait être amorcé ou du moins poursuivi dans ce domaine crucial des comptes satellites. Il devrait intégrer le fait que les multiplicateurs sont susceptibles d’évoluer en fonction des publics visés ou des régions destinataires des dépenses. Il devrait en outre tenir compte des spécificités du Luxembourg, entre autres un nombre élevé de frontaliers et le caractère transnational de la demande et de l’offre dans le domaine culturel.

En troisième lieu, les statistiques culturelles devraient mieux cerner le phénomène du mécénat, avec pour objectif des comparaisons internationales pertinentes permettant d’appréhender en connaissance de cause le financement de la culture au Luxembourg. Comme l’indiquait notre IDM précitée, l’implication des entreprises et des grandes fortunes dans les activités artistiques ne semble pas atteindre son plein potentiel au Grand-Duché, même si plusieurs entreprises sont des partenaires réguliers d’événements culturels.

Trois points essentiels, dans un domaine d’une importance cruciale en termes de cohésion sociale et qui doit être abordé d’une façon « holistique » voire même multidisciplinaire, loin de toute tentation purement « utilitariste ». Comme indiqué dans le Programme de statistique et d’études du Ministère de la Culture, « La culture est un élément de base essentiel pour une société démocratique, moderne, ouverte, tolérante et solidaire ». La Fondation IDEA asbl ne peut qu’adhérer à cette affirmation. Elle salue dans la même foulée l’organisation, par les autorités luxembourgeoises, des assises de la culture et des divers ateliers associés.

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