En marge de la cinquième « Commission intergouvernementale pour le renforcement de la coopération transfrontalière »  entre la France et le Luxembourg qui s’est tenue le 21 novembre dernier, le Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes français a émis le souhait que s’ouvre une discussion sur des compensations fiscales entre les deux pays.

Ce mécanisme, inspiré par ce qui existe déjà avec la Belgique, serait selon lui justifié par le fait que l’essor du travail frontalier (salariés pour lesquels les revenus sont imposables au Luxembourg) implique des tensions sur « les investissements faits en France, comme les infrastructures de transport, mais aussi le financement de la dépendance, de l’accompagnement des personnes âgées, et de la petite enfance ».

Pour ou contre ? Un débat à alimenter

Rachida Hennani et Vincent Hein, de la Fondation IDEA a.s.b.l., se sont prêtés à l’exercice du débat sur ce sujet complexe. Ils proposent d’alimenter une discussion qui, dans l’idéal, nécessiterait une analyse approfondie de l’ensemble des bénéfices et des coûts liés à l’intégration croissante des territoires transfrontaliers.

Retrouvez leurs contributions ci-dessous :

2 thoughts on “Fiscalité France-Luxembourg : compenser ?

  1. Le problème soulevé est un débat éternel et restera un débat conflictuel car chacun des antagonistes insiste sur ses (avantages et) désavantages.
    S’il est certain que le résident français frontalier travaillant au Luxembourg, du fait de vivre en France, crée des frais « d’habitation » de toutes sortes (voir article du Wort du 23/11/2017), il n’en reste pas moins vrai qu’il importe un pouvoir d’achat net en France qui n’est pas négligeable (83 % de son brut d’après cet article). Ce même article dit que la « masse salariale captée par les territoires frontaliers est estimée pour la France à 4 milliards par an ». Si la partie française de la Grande Région, devrait générer un tel revenu par du travail sur son territoire, cela nécessiterait la création de beaucoup d’emplois, et probablement proportionnellement plus d’emplois en France qu’au Luxembourg parce que pour la même masse salariale, étant donné les salaires plus faibles en France, il faut plus d’emplois pour la même somme.
    Et c’est justement à ce niveau que se situe un argument qui ne me semble pas avoir été vraiment discuté. En effet, quel est le coût de la création d’un emploi, aussi bien le coût direct (coûts au niveau de l’entreprise qui crée l’emploi) que le coût indirect, notamment sur le plan national : mobilité du travailleur (routes, stationnement de voitures privées, transports publics, émissions nocives, etc.), la consommation d’énergie supplémentaire en rapport avec les infrastructures nécessaires, les coûts écologiques (consommation de terrain, consommation d’eau et évacuation des eaux usées, chauffage avec émission de substances nocives, l’énergie grise pour faire fonctionner les postes de travail des frontaliers, etc.). Il y a certainement encore bien d’autres sortes de coûts pour l’économiste averti. Ainsi, l’implantation d’entreprises de toutes sortes consomme du terrain, limité au Luxembourg à cause de l’exiguïté du territoire national, crée par la loi de l’offre et de la demande une surenchère, rendant le coût de la vie extrêmement élevé pour les résidents du Luxembourg. La partie française de la Grande Région n’a donc pas besoin d’encourir tous ces coûts énumérés précédemment. Par ailleurs, n’oublions pas les transferts sociaux concernant les frontaliers du Luxembourg vers la France. Et finalement, n’oublions pas non plus les nombreuses entreprises françaises qui ont un chiffre d’affaires non négligeable par leurs prestations au Luxembourg, sans parler des résidents luxembourgeois qui font des achats, entre autres en France, générant encore un revenu commercial imposable en France.
    Bien sûr, le Luxembourg profite dans l’immédiat du travail des frontaliers et il en a un besoin urgent. Mais c’est un des rares pays de l’Europe qui produit des emplois supplémentaires nets tous les ans, cependant cette tendance devrait diminuer pour maintes raisons, dont les moindres ne sont pas d’ordre écologique.
    On doit aussi considérer l’argument que le coût de la formation des travailleurs frontaliers français est supporté par la France. Mais c’est un coût unique s’étalant sur 15 à 20 ans, tandis que le revenu du frontalier important 4/5 de son pouvoir d’achat en France, peut s’étaler sur 40 ans. Mais rien n’empêche le résident français de la Grande Région de travailler en France. Il suffit que la Grande Région « française » crée des conditions suffisamment attrayantes pour que le Français désire travailler à proximité de son domicile. La productivité de la France semble décrocher depuis des années, ce qui n’augmente certainement pas sa compétitivité. La Lorraine dépendait autant que le Luxembourg pendant une longue période du minerai et de l’acier. Mais elle semble avoir raté le coche pour se renouveler.
    Je pense personnellement que la Grande Région française est globalement gagnante dans le dossier de ses travailleurs frontaliers au Luxembourg, même si le Luxembourg y trouve des avantages importants.
    Il se pose la question pourquoi la Grande Région, partie française, n’arrive pas à créer des emplois car finalement son territoire est, par définition, attenant au Luxembourg et son potentiel logistique est en gros le même. Le problème me semble devoir être recherché au niveau de la promotion d’une politique régionale, mais surtout nationale française déficiente, n’arrivant pas à créer les conditions favorables nécessaires à un renouvellement et à un développement. La France n’essaie certainement pas d’appliquer le « trilemme de Münchhausen » .

    Si les salaires des frontaliers français étaient imposés en France, sans parler de l’impact des charges sociales, il me semble clair que leur pouvoir d’achat serait beaucoup moins important et diminuerait ainsi fortement la demande intérieure régionale. Pas mal de Français semblent penser que la France presse ses citoyens comme un citron jusqu’à la dernière goutte, sans que l’argent ainsi récupéré soit employé à bon escient. Ceci ne contribue pas à stimuler la demande intérieure, qui semble être actuellement un des atouts/moteur de l’économie allemande
    Alors, les revendications françaises concernant des compensations fiscales des frontaliers me semblent un peu faciles. N’arrivant pas à gérer ses problèmes, la France tape entre autres sur son « petit » voisin à toute occasion (voir les débats sur les paradis fiscaux), tout en voulant pomper un maximum de son petit voisin qui fait vivre une partie de son territoire. Elle ne tient pas compte qu’elle risque de tuer ainsi la poule aux œufs d’or. Que la France balaie d’abord devant sa porte.
    Le Luxembourg devrait aussi comprendre que nos voisins limitrophes ne sont pas vraiment des amis et qu’ils ne ratent pas une occasion de nous attaquer, même si certains de nos ministres adoptent parfois des attitudes pas toujours fières et pleines de compromis envers eux pour pouvoir jouer dans la cour des grands. Il ne faut pas beaucoup de temps à certains pour s’habituer au pouvoir.
    J’adore la France et j’y ai trouvé des amis charmants. J’y passe des séjours magnifiques (un retraité ne peut pas parler vraiment de vacances) et je ne me lasse pas d’y retourner fréquemment, et cela avec prédilection (important ainsi encore du pouvoir d’achat en France). Mais je commence aussi à en avoir assez d’une « certaine » France, dont les Messieurs « Piketty », des présidents manquant de grandeur, de ministres ayant des comptes noirs dans des paradis fiscaux et j’en passe.

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