Le Gouvernement a présenté ce 12 octobre son projet de budget. Tout irait pour le mieux dans l’univers des finances publiques luxembourgeoises, avec une spirale d’endettement enrayée et des Administrations publiques (soit non seulement l’Administration centrale, mais également les communes et la sécurité sociale) constamment en surplus, malgré la mise en œuvre dès 2017 d’une généreuse réforme fiscale.

Une première analyse (illustrée ci-joint) est de nature à tempérer cet enthousiasme. Elle se focalise sur le solde effectif des Administrations publiques et non sur ce concept difficilement observable – voire même insaisissable tant son calcul est malaisé – que constitue le solde budgétaire structurel. Elle resitue par ailleurs le projet de budget dans une perspective « historique », embrassant les périodes 1995-2016 et 2017-2020 (soit l’horizon du projet de budget pluriannuel). Avec à la clef un vertigineux changement de perspective.

Notre point de départ est le solde effectif présenté ce mercredi par le Gouvernement (courbe bleue du graphique ci-dessous, qui se confond avec la courbe grise de 1995 à 2015). Il « décroche » naturellement quelque peu en 2017, réforme fiscale oblige. Mais son évolution est ensuite de bon aloi, avec en bout de course un surplus de 0,7% du PIB en 2020. Rideau? Pas précisément…

Graphique : Soldes effectifs des Administrations publiques (en % du PIB)
soldes effectifs des APU
Sources : Projet de budget 2017, base de données AMECO de la Commission européenne (PIB 1995-1999), BCL, STATEC, calculs Fondation IDEA asbl. Note: ces simulations (à ne pas confondre avec des prévisions) supposent une cohérence interne du projet de budget – c’est-à-dire une trajectoire de soldes qui soit en ligne avec les hypothèses macroéconomiques annoncées.

L’épure budgétaire gouvernementale repose sur des taux de croissance du PIB très élevés en 2017 (+4,6%) et plus encore en 2018 (+4,9%). Or compte tenu du ralentissement escompté de la croissance dans la zone euro en 2017 et de l’effet de retour probablement réduit de la réforme fiscale (incidence sur le PIB de l’ordre de 0,2 point de pourcentage seulement selon le STATEC), on voit mal ce qui pourrait expliquer une telle accélération de la croissance au Luxembourg à part, peut-être, une flambée des cours boursiers. Comme il est périlleux d’asseoir des prévisions sur un « pari boursier » de ce type, nous avons recalculé les soldes budgétaires effectifs en supposant que la croissance se situera à 3% en 2017 et en 2018, dans la continuité de 2016 (+3,1% dans le projet de budget). Nous avons pour ce faire considéré qu’un point de croissance se traduit (« toutes autres choses égales par ailleurs », comme disent rituellement les économistes) par une variation du solde budgétaire à raison de 0,445 point de PIB (paramètre retenu dans le plus récent Programme de stabilité du Luxembourg, page 21, et à l’annexe 5 du projet de budget pluriannuel, page 365). Le résultat est édifiant, comme le montre la courbe rouge du graphique, le solde des Administrations publiques devenant résolument négatif dès 2017 et surtout de 2018 à 2020. Petites causes, grands effets…

Ce n’est pas tout : le Gouvernement a estimé l’impact de la réforme fiscale à environ 0,8% du PIB de 2018 à 2020 (et un peu moins en 2017). Or la Banque centrale du Luxembourg (BCL), institution indépendante s’il en est, évalue quant à elle la facture à 1,5% du PIB dans son Bulletin 2016/1. La courbe grise de notre graphique incorpore l’évaluation du coût de la réforme par la BCL en lieu et place de celle du Gouvernement. Le tout se juxtapose aux taux de croissance de 3% en 2017 et en 2018 déjà évoqués ci-dessus.

Le résultat se passe de commentaires, avec des déficits des Administrations publiques proches de 2% du PIB sur la période couverte par le projet de budget pluriannuel et une nette tendance à la détérioration dans une perspective « historique » (voir notre « ligne de tendance »). Sachant également que ces soldes sont flattés par des excédents, certes toujours plantureux mais non durables à politique inchangée, de la sécurité sociale (voir notamment notre Idée du mois n°13). Enfin, si on en croit les documents budgétaires, les investissements publics seraient en 2020, avec 1 394 millions d’euros, inférieurs à leur niveau nominal de 2016, soit 1 467 millions d’EUR. Alors que sur la même période, le PIB en valeur progresserait quant à lui de quelque 26%. Un tableau d’ensemble qui ne témoigne pas d’une amélioration flagrante de la « qualité » de nos finances publiques…

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