Faire une critique du best-seller « la troisième révolution industrielle, comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde » de Jeremy Rifkin me semble impossible. Cette impossibilité d’une appréciation exhaustive, fondée et riche relève de ce que l’ouvrage est un mélange d’anecdotes, de name dropping, de publicités, et d’assertions pas toujours vérifiables. Sa lecture me semble néanmoins nécessaire, notamment par ceux – entrepreneurs, parlementaires, journalistes – impliqués dans l’étude The Third Industrial Revolution Strategy commandée par le Luxembourg à Jeremy Rifkin.

Pour leur donner envie de lire son œuvre, voici un petit florilège tiré de l’ouvrage précité :

Que trouve-t-on dans le best-seller de Rifkin ? :

Des phrases dignes d’un roman à l’eau de rose

« Il était 17 heures, et je courais sur mon tapis roulant, n’écoutant que d’une oreille les premières informations de la télévision par câble » (p.21)

« 16 décembre 1973. La neige avait commencé à tomber juste après le lever du soleil. Je sentais le vent glacé sur mon visage en approchant de Faneuil Hall » (p.22)

« La quête de ce récit a été un remarquable voyage, sur une route parfois sinueuse et riche en tournants surprenants » (p.60)

« La chancelière promena son regard autour de la table pour observer les réactions. Quand il se posa sur moi, il s’attarda un bref instant » (p.93)

« Nous sommes allés déjeuner Aurora et moi dans son restaurant Tex-Mex favori : pizza Margarita, salsa, et guacamole » (p.114)

Des affirmations vraies (à moins qu’elles ne soient fausses!)

« Dans l’ère qui vient, des centaines de millions de personnes produiront leur propre énergie verte à domicile, au bureau, à l’usine, et ils la partageront entre eux sur un « Internet de l’énergie », exactement comme nous créons et partageons aujourd’hui l’information en ligne » (p.12)

« L’organisation hiérarchique traditionnelle du pouvoir politique et économique cédera la place au pouvoir latéral, qui étendra sa structure nodale à travers toute la société » (p.17)

« Au cours des années qui viennent, l’instabilité politique croissante du Moyen-Orient va semer le chaos dans les cours du brut sur le marché mondial » (p.34)

« L’ère intercontinentale va lentement transformer les relations internationales, en les faisant passer de la géopolitique à la politique de la biosphère » (p.267)

« Les cycles menstruels des femmes ont tendance à suivre les lunaisons » (p.321)

 Quelques contradictions

« Nous voyons désormais dans la biosphère notre communauté indivisible, et nous ressentons de l’empathie pour tous nos frères humains, ainsi que pour tous les autres être vivants, notre famille étendue évolutionniste » (p.335)

« Nous sommes de plus en plus déconnectés affectivement du reste de la nature et indifférents aux souffrances de la terre. Nous devenons aussi plus isolés, plus solitaires, et nous finissons par nous sentir étrangers sur notre propre planète » (p.353)

Une vision peu reluisante de l’école

« Débiter des ouvriers productifs est devenu la mission principale de l’éducation moderne. Les écoles ont assumé une double tâche : créer une main d’œuvre alphabétisée et la préparer à servir des entreprises despotiques et centralisées » (p.162)

Des anecdotes

« Quand je l’ai vu (Johanes Teyssen), il m’a paru l’incarnation même du chef d’entreprise allemand traditionnel : costume trois pièces noir et air sévère » (p.86)

« Le prince Albert (de Monaco) est un homme discret, modeste, qui aurait aimé tout autant, je pense, consacrer sa vie à la recherche scientifique s’il n’était pas né dans une famille royale » (p.142)

« Beaucoup des habitants les plus riches de Monaco, nous a-t-on dit y vivent peu : leur maison leur sert plutôt de lieu de vacances. Mais, puisqu’il n’y a pas d’impôt sur le revenu, ils prétendent qu’il s’agit de leur résidence principale. Pour prouver que la maison est leur résidence principale, ils laissent souvent leurs appareils ménagers en fonctionnement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 » (p.143)

« Quand il (Jose Luis Zapatero) est venu m’accueillir dans le vestibule, j’ai été frappé d’emblée par son sourire chaleureux et son attitude détendue. Il semblait très bien dans sa peau » (p.200)

« La réunion qui a suivi avec Miguel Sebastian Gascon a été décevante. J’en suis sorti avec l’impression que cette coopération ne l’intéressait pas, et qu’il était assez tiède philosophiquement, voire hostile, face à la perspective d’une troisième révolution industrielle » (p.204)

Des sources surprenantes

[E-mail à Jeremy Rifkin]

[B. Clinton, transcription d’une émission télévisée]

Wikipedia

Des phrases que je ne comprends pas

« Si tous les organismes biologiques interagissent continument avec les processus biochimiques pour maintenir un équilibre homéostatique propice à la perpétuation de la biosphère et à la préservation de la vie sur terre, le bien-être à long terme de l’espèce humaine dépend de notre capacité à vivre à l’intérieur des limites spéciales et temporelles où la terre fonctionne » (p.319)

Au-delà de ces phrases – qui sont un choix subjectif – le livre de Jeremy Rifkin se veut un plaidoyer pour l’économie collaborative, l’avènement du prosommateur (consommateur à la fois producteur), et la félicité économique à faible coût énergétique. En futurologue du présent, Rifkin plaide pour que les humains utilisent leurs capacités techniques (internet, technologie de l’hydrogène, impression 3D, véhicule électrique), économiques (capitalisme distribué) et sociales (empathie), pour améliorer la condition humaine, stabiliser le climat, et protéger la nature. L’objectif est louable. Le tout est de savoir si la 3ème révolution industrielle qu’il prédit aura lieu suivant les conditions qu’il évoque (tâche hautement difficile), et faire en sorte que le Luxembourg (pays à taille réduite, avec un Etat providence financé par impôts, un niveau de vie élevé et une économie fortement tertiarisée) soit armé pour en tirer profit et trouver les réponses adaptées à ses possibles effets indésirables.

En ce sens, l’approche luxembourgeoise : ouverte, participative, critique[1], qui refuse de délivrer un blanc-seing au futurologue mais entend confronter ses idées de l’avenir aux « spécificités » luxembourgeoises[2] est bien pensée…


[1] Voir : Les députés face au phénomène “Rifkin”, Jeremy Rifkin, génial visionnaire ou homme d’affaires avisé ?, www.chd.lu

[2] Voir : http://www.carlothelenblog.lu/2015/10/08/pour-une-troisieme-revolution-industrielle-a-la-luxembourgeoise/

One thought on “J’ai lu « la troisième révolution industrielle » de Jeremy Rifkin, voici mon tri !

  1. Vivement les groupes de réflexions lancés suite à l’appel participatif normalement clos ce week-end.
    Car il ne faudrait pas que certains aspects de la vision de Mr Rifkin (comme ceux sur le futur de l’école), virent aux modèles de sociétés type “le meilleur des mondes” (Huxley) ou pire “Farenheit 451” (Bradbury)…
    Utilisons en effet la critique (constructive), pour projeter un certain “feeling” des tendances d’évolutions possibles, dans l’intérêt social et économique de tous et d’application réaliste au Luxembourg voir extrapolable à l’Europe (dont le coeur géographique et historique est le Luxembourg…).
    Ce qu’il en résultera sera l’avenir ou ne sera plus ?

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