Idée du mois n°10 – Spéciale Marché du travail

La Fondation IDEA asbl vient de publier une 10ème Idée du mois, consacrée au marché du travail, en deux volets.

Cette étude présente les tendances de long terme qui, en trente ans, ont façonné le marché du travail luxembourgeois. Elle aboutit à un constat simple : si une partie du chômage – qui a beaucoup progressé au Luxembourg depuis 2008 – s’explique par la crise, il ne peut être exclu que certains éléments structurels contribuent à ce que l’économie luxembourgeoise, en dépit des nombreux emplois créés, connaisse une situation de chômage élevé.  En conséquence, il ne suffira pas de « surmonter » définitivement la crise économique pour que le taux de chômage renoue « naturellement » avec son niveau d’avant (4%). C’est dans ce sens que nous formulons « quelques remèdes contre le chômage » qui vont au-delà des nécessaires efforts pour améliorer la conjoncture économique et visent à corriger de façon ciblée certaines « distorsions » qui participent à éloigner le Luxembourg du plein emploi.

Partie I: « 1985 – 2015 : Trois décennies d’évolutions du marché du travail »

Si caractériser « Trois décennies d’évolutions du marché du travail luxembourgeois » n’est pas chose aisée, il y a cependant 8 mots qui viennent naturellement à l’esprit quand il s’agit d’en parler.

  1. Dynamisme
  1. Tertiarisation
  1. Etranger
  1. Féminisation
  1. Coût du travail élevé
  1. Protection de l’emploi
  1. Inadéquation entre l’offre et la demande de travail
  1. Rupture

Quelles ont été les principales victimes du chômage depuis 2008 ?

Le chômage au Luxembourg concerne quasi-exclusivement les travailleurs peu qualifiés et susceptibles d’être rémunérés au voisinage du salaire social minimum. Plus de 80% des chômeurs au Luxembourg ont un niveau d’étude inférieur ou égal  au baccalauréat. Il est aussi à signaler que le nombre de chômeurs seniors (plus de 50 ans) a augmenté de près de 140% depuis la crise, que près de 70% des chômeurs seniors ont déjà passé plus d’un an au chômage, et que si jusqu’en février 2011 il y avait moins de chômeurs seniors que de chômeurs de moins de 30 ans, il y a désormais près de 1.000 chômeurs seniors en plus que de chômeurs de moins de 30 ans. Par ailleurs, le taux de chômage élevé des jeunes (moins de 25 ans) est lié au fait que – contrairement à d’autres pays – le cumul « emploi » et « études » est moins développé au Luxembourg. Par conséquent, la population active des jeunes est très réduite (elle est ainsi passée de 34.000 à 15.700 entre 1985 et 2014). Bien plus qu’une affaire de jeunes, le chômage des moins de 25 ans touche principalement des jeunes peu qualifiés, souvent en situation d’échec scolaire. Les jeunes n’ont d’ailleurs contribué qu’à hauteur de 5% à la hausse du nombre de chômeurs depuis la crise.

Quel serait le taux de chômage au Luxembourg s’il n’y avait pas eu la crise ?

Il est difficile de donner une réponse assurée à cette question ; l’exercice revenant à imaginer le présent en considérant un passé différent de ce qui a effectivement été. Cependant, nos calculs (tout comme les résultats d’un mini-sondage effectué[2]) fournissent un même message : s’il n’y avait pas eu la crise, le taux de chômage du Luxembourg serait actuellement supérieur (entre 1% et 2,5%) à son  niveau de 2008. Ces résultats confirment l’existence de problèmes « structurels » du marché du travail, et interdisent de penser que le taux de chômage pourrait, une fois la crise définitivement surmontée, revenir « naturellement » vers son niveau antérieur.

Beaucoup est fait au Luxembourg dans la lutte pour l’emploi et contre le chômage. L’Etat y consacre des sommes conséquentes[3] et s’évertue à maintenir un environnement favorable à la croissance économique. Les Chambres professionnelles offrent des formations et avisent des projets de loi et des projets de règlements grand-ducaux dans l’intérêt du développement économique. L’ADEM se réforme et se renforce. Les entreprises embauchent et sont des relais actifs des programmes pour l’emploi (Fit4job, entreprises partenaires pour l’emploi), etc.

Mais à l’évidence, le chômage demeure un « mal dominant » qui semble « parti pour rester ». Les chiffres contenus dans la Note de conjoncture N° 1/2015  du STATEC suggèrent ainsi que le taux de chômage repartirait à la hausse en 2016 et serait proche de 7,5% en 2019.

Sans fondamentalement remettre en cause ce qui se fait déjà, les actions menées semblent perfectibles dans 3 axes : le coût du travail, la flexibilité du marché du travail, et la politique de l’emploi.

Les racines du chômage étant profondes et nombreuses, les réponses à apporter à ce problème doivent être systémiques. Nos propositions se veulent ainsi des appuis aux initiatives en cours (ou envisagées), et ne sont que des « éléments » à intégrer dans un ensemble plus vaste (diversification économique, réforme fiscale, politiques européennes, attraction et rétention des talents, simplification administrative, esprit d’entreprise, politique de soutien à l’innovation et à la R&D, promotion des PME, lutte contre la pauvreté, politique du coût du logement efficace, etc.).


[1] Modèle où la famille est consitutée de Mr Gagne-pain et de Mme Au-foyer.

[2] Sur un ensemle de 26 personnes qui ont répondu à la question : « Quel serait selon vous le taux de chômage au Luxembourg s’il n’y avait pas eu la crise? », on obtient une moyenne de 5,2%.

[3] Les dépenses du Fonds pour l’emploi représentaient près de 1,5% du PIB en 2014.


Partie II: « Quel(que)s remèdes contre le chômage »

Axe 1 : Coût du travail

Moduler les adaptations biennales du salaire social minimum (SSM) à l’évolution du salaire réel moyen en tenant compte du taux de chômage des demandeurs d’emploi les moins qualifiés.

Mettre en place une commission d’experts indépendants (à l’image de la Low Pays Commission au Royaume-Uni ou du groupe d’experts sur le Salaire minimum interprofessionnel de croissance en France) qui serait chargée de formuler des propositions au Gouvernement sur l’impact des adaptations biennales du SSM sur le chômage des demandeurs d’emploi les moins qualifiés.

Envisager l’instauration d’une nouvelle règle d’indexation des salaires et traitements qui tiendrait compte d’un taux de chômage de plein emploi à définir avec les partenaires sociaux.

Généraliser les allègements de charges sociales qui font déjà partie de l’arsenal actuel de la politique de l’emploi – en réduction de charges patronales sur les bas salaires au bénéfice de tout demandeur d’emploi inscrit à l’ADEM.

Envisager l’instauration d’un système de  subvention salariale (de type « Kombilohn »)  au profit des demandeurs d’emploi éloignés du marché du travail.

Axe 2 : Flexibilité du marché du travail

Assouplir les conditions de recours au contrat à durée déterminée pour en faire un tremplin vers le marché du travail pour les demandeurs d’emploi (notamment les moins qualifiés).

Envisager pour les jeunes demandeurs d’emploi un contrat d’insertion professionnelle (avec des avantages similaires pour les employeurs que le Contrat d’initiation à l’emploi) qui serait un CDD dont le degré de protection augmenterait avec l’ancienneté jusqu’à devenir, le cas échéant, automatiquement un CDI.

Minimiser les potentiels effets d’aubaine et de substitution qui peuvent résulter d’une hausse de la flexibilité du marché du travail en mettant en place un système de modulation (du recours au CDD, des avantages assortis au contrat d’insertion professionnelle) qui serait fonction notamment de l’historique de transformation des CDD en CDI par les entreprises, ou de leurs déclarations de postes vacants à l’ADEM.

 Axe 3 : La politique de l’emploi

« Réussir » la réforme de la formation professionnelle initiale afin de rendre les filières professionnelles plus attractives pour les jeunes, et en phase avec les besoins de salariés qualifiés du marché du travail.

Affecter une partie des économies dégagées dans le cadre de la réorientation générale des politiques de l’emploi (réforme des préretraites, retour au régime de droit commun en matière d’indemnisation du chômage, réforme de l’aide au réemploi, etc.) à la formation des demandeurs d’emploi.

Intégrer une dose supplémentaire de dégressivité dans l’indemnisation du chômage en faisant évoluer le taux de remplacement dans le temps. Durcir les conditions d’accès des jeunes qui n’ont jamais travaillé à l’indemnisation du chômage.

« Repenser » le RMG pour en faire un véritable instrument d’insertion dans l’emploi et non plus l’équivalent d’un revenu de remplacement.

Concevoir une « Garantie pour les seniors » sur le modèle de la Garantie jeunesse, et appuyer l’initiative européenne d’ « accords d’intégration professionnelle » au bénéfice des chômeurs de longue durée.

Faire un audit complet des différentes mesures pour l’emploi et ne conserver que celles qui augmentent significativement la probabilité de retour sur le marché du travail des bénéficiaires.

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Le chômage au Luxembourg : ne tournons pas autour du pot.

Le Luxembourg a connu un miracle d’emploi mais… le chômage n’a baissé ni en termes absolus, ni en termes relatifs…

Le Luxembourg a connu un miracle d’emploi. En août 2015, il n’y avait non moins de 406.357 emplois, contre seulement 216.539 vingt ans auparavant, une progression fulgurante de 88%. Or, qui dit 88% d’emplois en plus, ne dit pas 88% plus de chances à sortir du chômage. Bien au contraire, sous toile de fond d’une littérale explosion du travail frontalier et de la poussée démographique – le Luxembourg compte 151.400 habitants ou 37% d’habitants en plus – et pour d’autres des raisons très diverses que la Fondation IDEA asbl a tenté de synthétiser dans une étude à paraître[1] – le chômage n’a baissé ni en termes absolus (4.520 chômeurs en 1995 contre 18.037 en 2015), ni en termes relatifs (le taux de chômage est passé de 2,6% à 6,9%). Pour contextualiser le phénomène dans un contexte luxo-luxembourgeois, le nombre de chômeurs (« au sens strict ») est passé de la population de la commune de Mondorf à la celle de Dudelange, 4e commune la plus peuplée du Luxembourg.

Problème complexe, phénomène multidimensionnel, casse-tête… les descriptions et qualifications en tous genres ne manquent pas pour appréhender le chômage au Luxembourg. La montée en puissance des non-Luxembourgeois, le basculement structurel de l’économie luxembourgeoise suite à la crise sidérurgique, le coût de travail, et notamment celui relatif au travail pas et faiblement qualifié (et le constat que la salaire minimum luxembourgeois (non qualifié) est un salaire très attractif aux yeux des ressortissants (même qualifiés) de la Grande Région), le haut niveau de protection de l’emploi et la si souvent citée « inadéquation entre l’offre et la demande de travail » ne sont que quelques-unes des caractéristiques invoquées quand il s’agit de tenter d’expliquer le chômage grandissant.

Ces éléments interagissent pour donner lieu à un « cocktail » dangereux. Or, si ces « maux », dûment diagnostiqués, ne sont pas traités grâce à une feuille de soins à la hauteur des enjeux, le chômage risque de devenir une fatalité. « On ne peut plus rien pour eux », « il faut accepter le chômage de masse », « hier le plein emploi était atteint à 4.000 chômeurs, aujourd’hui il faut en accepter 15.000 c’est l’effet de la mondialisation », « c’est comme ça ». Or, outre les graves menaces pesant sur la cohésion sociale immédiate et à venir (l’ascenseur social fonctionne-t-il pour les descendants des demandeurs d’emploi compte tenu du fait que les chômeurs sont près de 3,3 fois plus susceptibles d’être en risque de pauvreté que l’ensemble de la population, et que le travail est un des principaux remparts contre le risque de pauvreté ?), le manque à gagner économique, l’absence de perspectives d’une frange de plus en plus importante de personnes et le coût d’opportunité – en 2016 les frais liés à l’inactivité ou la sous activité, appréhendés par les dépenses cumulées du Fonds pour l’emploi et du paiement du revenu minimum garanti atteindront prévisiblement 874 millions EUR, soit 5,2% du total des dépenses de l’Administration centrale – sont tels qu’il ne faut justement pas baisser les bras et « accepter » un phénomène de chômage important et qui s’inscrit dans la durée. En effet, si hier nous avons « accepté » un chômage de 5.000, et aujourd’hui nous « acceptons » 15.000 chômeurs, accepterons-nous 25.000 chômeurs demain ? Et 50.000 chômeurs après-demain ?

A la Fondation IDEA asbl, nous pensons qu’il est à la fois juste et réaliste de casser ce cercle vicieux d’un chômage « insidieux » qui augmente d’année en année, comme s’il s’agissait d’un épiphénomène normal du modèle économique luxembourgeois, tout en étant conscients qu’il n’y pas de solution miracle et unique aux défis du chômage. Après une analyse synthétique de l’évolution du chômage – il a bel et bien augmenté dans tous les sens du terme, il touche de plus en plus les femmes, les travailleurs seniors, s’inscrit de plus en plus dans la durée – IDEA conclut que la crise ne peut guère servir « d’alibi » unique pour expliquer l’envolée observée ces derniers temps. IDEA estime ainsi que le taux de chômage serait actuellement supérieur (de 1% à 2,5%) à son niveau de 2008 (4%) s’il n’y avait pas eu la crise. Par ailleurs, si le taux de croissance de l’emploi qui permet de stabiliser le chômage a certes baissé, d’environ 4% à 3%, je suis personnellement convaincu que ce taux reste trop « gourmand », voire insoutenable à long terme pour pouvoir constituer une véritable réponse au défi. Selon l’adage « créons 10.000 à 15.000 emplois par an, et on arrivera à stabiliser (qui dit baisser ?) le chômage ».

Ainsi, les réponses proviennent – outre bien sûr (en tant que « conditions nécessaires mais non suffisantes ») d’une économie dynamique et attractive et d’un esprit d’entreprendre poussé – de bien d’autres registres. IDEA identifie, dans une « Idée du mois » exploratoire séparée[2], trois grandes familles de chantiers permettant d’augmenter l’emploi en symbiose avec la baisse du chômage : le coût du travail, la flexibilité du marché du travail et la politique de l’emploi.

Rassurons tout de suite le lecteur : nos solutions à l’intérieur de ces trois thèmes seront bien plus riches, nombreuses et originales que les intitulés le laissent a priori deviner. Il est par exemple question d’un nouveau mode de revalorisation du salaire social minimum et d’un allégement des cotisations sociales dans certains cas (saviez-vous par exemple qu’il est question que le premier emploi dans une PME entre 2016 et 2020 soit exonérée à vie de cotisations patronales en Belgique ?). Aussi, faut-il sérieusement se poser la question si la collectivité, au lieu de financer la sous-activité, ne ferait pas mieux de cofinancer l’emploi. Un CDD n’est pas une fatalité mais peut être un tremplin vers le CDI. Le RMG peut de nouveau devenir un instrument d’insertion et d’inclusion.

Bien sûr, l’on pourra être tenté de crier « halte au démantèlement social » en rangeant ces propositions, et bien d’autres, d’IDEA dans l’infâme « rayon néolibéral ». Bien sûr, les propositions d’IDEA ne sont ni exhaustives, ni échappent-elles à la critique. Or, pour résoudre le problème du chômage, il faut des propositions courageuses, il faut mener un débat contradictoire, il faut arbitrer entre la protection de ceux qui ont un emploi et la flexibilité pour ceux qui n’en ont pas. La publication d’IDEA sera donc une contribution au débat qui, espérons-le, sera suivie d’une discussion riche et de décisions courageuses. Il faut mobiliser les compétences et la contribution de tous les partenaires sociaux à ce débat et ne pas s’arrêter après avoir invoqué des barrières idéologiques. A défaut, le chômage est parti pour rester.

Dans sa spéciale « emploi / chômage », IDEA n’a pas pu traiter l’entièreté de la question. Les thèmes non-abordés ne sont pas moins pertinents ou importants que les thèmes traités. Côté sujets non-abordés, je pense notamment à l’importance du volet européen au niveau des politiques de l’emploi et de mobilité nationales, la crise migratoire et ses effets, encore méconnus et peu évalués, sur l’économie et le marché du travail et last but not least la révolution technologique et informatique qui pourrait très bien profondément secouer notre perception et notre relation avec le monde du travail, en général, et le travail salarié comme moteur de nos systèmes de protection sociale, en particulier. Voilà des thèmes et des défis majeurs « en plus », et qui risquent de se matérialiser plus tôt que d’aucuns voudraient bien le mettre en évidence. Raison de plus de commencer dès aujourd’hui à faire de la cohésion sociale et de la lutte contre le chômage en particulier un objectif complémentaire et clairement affiché à nos objectifs économiques et budgétaires.

Ceux qui le souhaitent, peuvent venir échanger avec nous à ce sujet le 27 octobre prochainhttp://www.fondation-idea.lu/inscription/


[1] Fondation IDEA asbl. Idée du mois : « 1985- 2015 : Trois décennies d’évolutions du marché du travail luxembourgeois ».

[2] Fondation IDEA asbl. Idée du mois : « Quel(que)s remèdes contre le chômage ! »

OMT : Vers un objectif pour le marché du travail

Il y a au Luxembourg un OMT très connu, il s’agit de l’objectif budgétaire à moyen terme autour duquel s’articule le « budget » de l’Etat, et qui constitue la cible d’équilibre des finances publiques. Dans la même logique de « pilotage des politiques publiques », les politiques de l’emploi devraient avoir leur propre OMT (Objectif pour le marché du travail) avec comme perspective d’atteindre le plein emploi.

Le rythme de création d’emplois s’est accéléré au Luxembourg au deuxième trimestre 2015 et le nombre de chômeurs inscrits à l’ADEM a reculé de 2,4% sur un an au mois d’août. Mais le STATEC douche toute velléité triomphaliste en écrivant dans sa première note de conjoncture de l’année que « [d]ans un contexte de fortes pressions émanant aussi bien de la Grande Région que de pays plus lointains, avec un différentiel de salaires nets en faveur du Luxembourg toujours élevé, et d’un accroissement du taux d’activité féminin, le STATEC s’attend à un taux de chômage augmentant progressivement à partir de 2016 et proche de 7,5% en 2019 ». L’ « inversion de la courbe du chômage », dont le taux reste figé à 6,9% depuis le mois de mars 2015, ne serait donc pas pour tout de suite.

Les raisons du déséquilibre du marché du travail luxembourgeois (dont le chômage est la manifestation la plus visible) sont anciennes et bien documentées. Ainsi, entre 2001 et 2007, le nombre de chômeurs et le taux de chômage avaient déjà augmenté respectivement de 110% et 90%, des proportions comparables aux évolutions durant la crise (+100% pour le nombre de chômeurs entre 2008 et 2014, +70% pour le taux de chômage). Aussi en 1997 (et en réalité bien avant cela), l’OCDE conseillait (déjà) au Luxembourg de « réformer son système de formation des salaires afin de mieux aligner les rémunérations sur les niveaux de productivité, de réformer les systèmes de prestations de chômage et de revenu garanti afin de diminuer les salaires de réserve et de renforcer les incitations au travail, de modifier certaines possibilités de sortie du marché du travail afin d’augmenter le taux d’emploi des seniors, d’améliorer les qualifications et les compétences via la formation continue et l’enseignement ».

Si de nombreuses initiatives sont entreprises pour lutter contre le chômage (réforme de l’ADEM, réforme en cours (quoique très décriée) de la formation professionnelle, réforme de la procédure de reclassement, diversification économique, partenariats pour la formation des chômeurs, Garantie jeunesse, Projet « Entreprises partenaires pour l’emploi », modulation de l’indexation en période de crise, etc.), elles souffrent de ne pas viser un objectif clairement défini. Alors que le Gouvernement a ouvertement annoncé une cible de 30% du PIB que ne doit pas dépasser la dette publique et communique régulièrement sur sa détermination à ce que le Luxembourg respecte son objectif budgétaire à moyen terme (un solde structurel excédentaire de 0,5% du PIB), le seul objectif, (mé)connu, concernant le marché du travail est celui de porter le taux d’emploi à 73% à horizon 2020. Cet objectif, qui est avant tout symbolique, s’apparente davantage à une prévision compte tenu des tendances observées depuis quelques années (notamment la hausse de la participation des femmes au marché du travail). Les décideurs publics devraient envisager de l’accompagner d’un autre indicateur pour officiellement « marquer » que le retour au plein emploi est le modèle auquel le Luxembourg aspire.

Le plein emploi – cité 8 fois dans le Code du Travail – fait en réalité déjà partie de l’arsenal juridique luxembourgeois mais répond à une définition d’un autre temps (1977) qui l’empêche d’être un objectif crédible. Dans le Code du Travail, le chapitre traitant des « Mesures destinées à maintenir le plein emploi », considère deux seuils « de gravité » du chômage : « 1.500 et 2.500 demandeurs d’emploi, qu’ils soient sans emploi ou sous préavis de licenciement » pour évoquer le plein emploi. Si ces seuils (définis en 1977) faisaient sens jusqu’au milieu des années 1980, ils n’ont plus aucune pertinence alors que le nombre de chômeurs atteint désormais plus de 17.000. Il conviendrait donc de les redéfinir en instaurant un OMT (Objectif pour le marché du travail), qui ne serait plus une valeur absolue (nombre de chômeurs), mais un taux de chômage de plein emploi à atteindre à moyen terme.

Parce qu’il n’existe aucun modèle économique qui permette de déterminer pareil taux de chômage (pas plus qu’il n’existe de modèle permettant de déterminer le niveau de dette publique soutenable), il ne peut reposer que sur un travail collectif. A l’heure où le « dialogue » social est « en panne », un tel projet (celui de déterminer le taux de chômage vers lequel devrait tendre l’économie, avant d’articuler les politiques de l’emploi autour de cet objectif) pourrait réchauffer les relations entre les uns et les autres, et être la première pierre d’un futur accord tripartite, comparable à celui de Wassenaar en 1982 aux Pays-Bas, pour une nouvelle ère de félicité économique au Grand-Duché.

Nous vous invitons d’ailleurs à commencer la réflexion à ce sujet avec nous en répondant à deux questions :

  • « Quel serait selon vous le taux de chômage au Luxembourg actuellement s’il n’y avait pas eu la crise ?»
  • « Quel devrait être, selon vous un objectif à moyen terme de taux de chômage de plein emploi pour le Luxembourg? »

A l’adresse suivante : ici